"Deux jambes qui se balancent dans le vide au-dessus de l’eau. Joyeusement. Avec cette gaîté spontanée de l’enfance où un rien suffit à nous mettre en joie. Leonard se délasse de sa course folle dans la campagne toscane. Soleil de fin de journée ornant les nuages d’une lumière dorée. Il avait couru si vite qu’il lui avait presque parut possible de s’envoler faire une sieste sur ces oreillers cotonneux inaccessibles. Oui, il avait senti ses pieds décoller du sol, ses bras allongés comme les ailes des oiseaux. Cela lui avait donné une idée. Il griffonnait à présent dans le petit carnet qui le suivait partout les esquisses d’une machine pour voler. Une machine qui aurait des ailes semblables à celles des chauves-souris."

"Accident grave de voyageur. Amertume de l’annonce. L’euphémisme cru pour évoquer un suicide sur les voies. Comme si, à l’heure actuelle, le suicide était encore tabou. Dans une société dite moderne et qui se veut sans tabous, un suicide sur les voies est un « accident grave de voyageur ». Cruauté du déni dans cette appellation. Accident quand c’est un acte délibéré, grave comme pour éviter la conscience de la mort, voyageur : l’anonyme, celui qui ne compte pas ou plus, ou seulement pour « la gêne occasionnée. »

Evidemment « Denis Martin  ans, clochard, a mis fin à ses jours en se jetant sur les rails alors que le métro arrivait » n’aurait pas le même impact. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée » serait alors perçu dans toute son indécence."